Mars 2019

Papy, le profilage et la protection des données personnelles

« Tu sais, de mon temps, on ne se posait pas ce genre de questions »

« Papy, la Loi Informatique et Libertés date de 1978, je te rappelle que c’était déjà un sujet de préoccupation à ton époque, notamment à cause du projet SAFARI. »

« Oui, bon, c’est sûr, mais les circonstances n’étaient pas les mêmes. Maintenant, tout est devenu trop compliqué en France. On ne peut plus entreprendre: c’est assistanat, populisme et langue de bois… »

« Papy, le monde d’aujourd’hui est très différent du monde de 1978. La transformation numérique a rendu les entreprises et les citoyens dépendants d’internet, alors que personne n’en comprend encore clairement les fondements. A titre d’exemple, j’ai vu que tu utilisais beaucoup les réseaux sociaux : savais-tu qu’ils renforçaient tes convictions en te proposant principalement des informations qui déclencheront des réactions chez toi ? C’est un outil de propagande terrible qui nécessite que l’on prenne le taureau par les cornes, car il se base sur le profil qu’ils ont dressé de toi. C’est ce qu’il s’est passé avec Cambridge Analytica (et encore : ce n’est que le sommet de l’iceberg). »

« Moi, j’aime bien ce que je vois. Et d’abord, d’où tu penses que je suis manipulé ? Je suis suffisamment adulte pour reconnaitre une information crédible quand je la vois. »

« Oui, bien sûr, mais regarde : toi et moi ne sommes pas tout à fait du même bord politique. Si un fait divers concernant la fraude au RSA m’était suggéré, je n’y accorderais pas beaucoup d’importance. Mais dans ton cas, par contre, cela pourrait influencer ton vote car cela joue sur certains de tes biais cognitifs. »

« Tu me crois aussi stupide que ça ? »

« Bien sûr que non, Papy. Tout le monde, et moi le premier, pouvons tomber dans le panneau. Avant de m’intéresser à la protection des données personnelles, j’en étais totalement inconscient. Or, j’ai pu constater que certains réseaux sociaux m’avaient « catalogué » à gauche, et parfois radical dans certains cas, car je ne recevais pratiquement que des articles qui m’indignaient sur la destruction de la biodiversité ou les accroissements des inégalités sociales. Je n’avais qu’une envie : interagir et partager, sans parfois contrôler la fiabilité de la source ! Avoue que ce n’est pas normal, non ? »

« Ah ça, c’est sûr que ce n’est pas normal, de toute manière, d’être de gauche. »

« Si tu le dis… »

(Un appel à l’autre bout du couloir)

« Chéri, c’est quoi ton mot de passe pour la box internet déjà ? »

« Motdepasse01 ! »

« Tu reprendrais bien un peu de gâteau Papy ? Je crois que nous n’avons pas fini de discuter… »

Auteur : un petit-fils concerné